Le paysage éditorial de ce que nous appelons en France, les littératures de l’imaginaire est particulièrement riche. Nous commencerons cette série de trois articles qui vont y être consacré par les grands éditeurs indépendants. Ces éditeurs ont eu un rôle important dans la relance du genre après la crise dont l’édition SF fut victime dans les années 80. En 1990 il ne restait plus guère que des éditeurs de livres de poche et seule une collection grand format avait survécu. Pour une véritable relance il fallait qu’un nouvel élan soit donné par de nouveaux acteurs. Et ce sera ceux que j’appelle ici les grands éditeurs indépendants (même si ce sont pour la plupart des éditeurs de taille moyenne).
Je vais présenter ces éditeurs dans l’ordre de leur création.
L’Atalante
L’Atalante fut le premier à se lancer en 1990. Cet éditeur est l’émanation d’une librairie située à Nantes. Ils ont commencé en publiant des traductions assez judicieuses d’auteurs anglosaxons plébiscités par le public français comme Michael Moorcock ou Orson Scott Card. Mais la consécration pour cet éditeur viendra avec la découverte de Pierre Bordage qui sera l’auteur français le plus vendu dans le domaine de la science fiction. En 1992 paraît le premier tome de sa trilogie les Guerriers du Silence qui sera bien vite considérée comme une oeuvre majeure du genre. Les Guerriers du Silence est une vaste fresque de space opera à la fois épique et humaniste servi par une prose extrêmement créative et poétique. L’Atalante continuera à publier des auteurs français. Suivront les les thrillers cyberpunk de Paul Borely, le grand cycle de science fantasy du chanteur Gilles Servat ou des romans du vétéran Jean Pierre Fontana. Mais c’est dans les années 2000 que l’Atalante augmentera le nombre d’auteurs français. Ils publieront notamment Roland C Wagner et son cycle des Futurs Mystères de Paris, chroniques hallucinées et complètement folles du futur proche. Cette oeuvre qui met en scène un détective doté du don de transparence (il a le pouvoir de se faire oublier) dans le Paris des années 2080 deviendra bien vite une oeuvre extrêmement populaire. Wagner sera fidèle à l’Atalante dans toute la deuxième moitié des années 2000 jusqu’à leur donner en 2012 sa dernière oeuvre (il est décédé en août 2012), Rêves de gloire, une uchronie où à la suite de l’assassinat du général de Gaulle, une partie de l’Algérie reste française. Bien vite ce roman sera considéré comme le meilleur de son auteur. L’Atalante publiera aussi Sylvie Denis, Olivier Paquet, Jeanne A Debats et lancera de jeunes auteurs comme Laurence Suhner ou Regis Goddyn.
Mnémos
Mnémos débute son aventure en 1995 comme une extension de l’éditeur de jeu de rôles Multisim. Le but pour son fondateur, Stéphane Marsan est de publier des romans dérivés des jeux publiés par Multisim. Mais tout changera après sa rencontre avec Mathieu Gaborit. Stéphane Marsan publiera donc la Trilogie des Royaumes Crépusculaires qui deviendra bien vite l’oeuvre de référence en fantasy française. Il publiera peu de temps après Pierre Grimbert et sa tétralogie le Secret de JI ( qui vient d’être traduite en anglais). Les choses vont aller vite pour Mnémos qui publiera plusieurs autres jeunes auteurs français (notamment Alexandre Malagoli et Fabrice Colin) jusqu’en 2000 où à la suite d’un différent avec sa direction Stéphane Marsan quitte l’éditeur. Il sera remplacé par Célia Chazel qui va tout d’abord ouvrir la maison d’édition aux traductions tout en publiant de nouveaux auteurs français parmi lesquels on comptera Fabien Clavel, Johan Héliot ou encore Michel Robert. L’éditeur continuera son bonhomme de chemin en augmentant la proportion d’auteurs français dans la deuxième moitié des années 2000. Le dernier défi de Mnémos en 2013 est la création d’une collection de poche destinée à rééditer des ouvrages épuisés de leur fonds.
Le Bélial
Le Bélial a commencé son travail éditorial en publiant la revue Bifrost (Que je présenterai plus en détail dans un article sur les revues). L’activité éditorial suivra quelques années plus tard. L’éditeur se fera remarquer en publiant Thierry di Rollo, un auteur qui écrit une science fiction sombre et violente, ainsi que Thomas Day ( qui avait été révélé dans les colonnes de Bifrost). Le Bélial publie peu d’autres auteurs français mais de temps en temps ils sortent un ouvrage d’un auteur important. Ainsi ils ont publié à plusieurs reprises Laurent Genefort. Le Bélial s’est aussi lancé dans des rééditions judicieuses d’oeuvres devenues introuvables aussi bien d’auteurs français ( Michel Demuth) que d’auteurs américains ( Jack Vance, Leigh Brackett).
Bragelonne
Cette maison d’édition a été fondé par Stéphane Marsan après son départ de chez Mnémos avec la volonté de se spécialiser dans la fantasy. A leurs débuts ils alternaient les oeuvres d’auteurs français et notamment des transfuges de chez Mnémos (Mathieu Gaborit, Fabrice Colin ou Alexandre Malagoli) mais aussi des nouveaux auteurs ( Magali Segura, Ange). et des traductions d’inédits anglosaxons. A partir de 2005 ils publieront moins de francophones, Stéphane Marsan ayant pris plus de responsabilités dans la direction éditoriale et ayant moins de temps à consacrer à la direction d’ouvrages. Toutefois c’est à cette époque qu’ils publieront Pierre Pevel qui aura une carrière internationale réussissant même l’exploit de décrocher une traduction en anglais. La maison d’édition continue toutefois son développement s’ouvrant d’abord à la science fiction puis à l’horreur. Bragelonne crée ensuite son propre label poche Milady, pour publier des rééditions de son propre fonds. Le label va ensuite publier des inédits et notamment beaucoup de traductions de fantasy urbaine et de paranormal romance.
En 2012 les auteurs francophones sont de retours chez Bragelonne. Et l’événement en 2013 est la publication du premier roman d’Antoine Rouaud qui s’était fait connaître auparavant dans la production de feuilleton MP3. Bragelonne est aujourd’hui l’éditeurs qui publie le plus de titres en ce qui concerne les genres de l’imaginaire.
Les Moutons électriques
Cette Maison d’éditions a été créée par le libraire et critique André François Ruaud. Ce dernier, réputé pour son intransigeance en matière littéraire, a souhaité créer une maison d’édition qui lui ressemblait et publier des auteurs plutôt atypiques. Il publiera notamment l’auteur de fantasy Jean Philippe Jaworski et son roman magistral, Gagner la guerre, le récit d’un assassin dans une cité à l’ambiance renaissance. Mais les Moutons Electriques ce sont aussi les éditeurs de Timothée Rey, auteur de SF et de fantasy fortement inspiré par Jack Vance, de Ugo Bellagamba, auteur d’une uchronie médiévale sur les croisade ( Tancrède) et de Cédric Ferrand (auteur de Wastburg). Les Moutons Electriques publient aussi des essais sur le genre. C’est ainsi que l’on a eu des ouvrages documentaires concernant le Space Opera ou le Steampunk, mais également des sommes sur des personnages de la littérature populaire.
Le groupe Lokomodo
Apparu en tant que small press en 2009, Lokomodo va à partir de 2011 rééditer en poche des ouvrages épuisés des décennies précédentes et même d’ouvrages parus de manière confidentielle chez des small press. Mais dans la foulée ils vont créer un label grand format Asgard qui se fera remarquer en publiant les ouvrages de fantasy de Thomas John, de Guillaume Fourtaud ou de Nathalie Dau ou un roman de science fiction de Jean Michel Calvez (l’un des seuls français à écrire de la hard science). 2012 verra la création du label de demi format Midgard qui publiera entre autre les romans d’Anthelme Hauchecorne. Lokomodo possède également un label de littérature jeunesse, les Lucioles.
Je continuerais cette exploration avec un article consacré aux small press et ensuite un autre sur les collections spécialisés des grands éditeurs.
Mnémos m’a rappelé Vingt mille lieues sous les mers. Juste, je peux ajouter à mon souvenir Pierre Boulle, avec sa planète parfait La planète des singes,et La Nuit des temps ( René Barjavel).J’espère lire de la littérature française plus de la science fiction, merci pour les données Tanya.
Benjamín
Trés intéressant article.
… Et bienvenue, bien sur!