Qu’est ce que la science fiction ?
Après les articles de Paul Cook et de Nina Monteanu qui réfléchissent sur les limites du genre il est peut être bon de revoir en détail les idées des uns et des autre sur le genre pour mieux le définir. Pour ce la nous allons reprendre une par une certaines idées reçues et voir si elle correspondent réellement à la réalité du genre.
La SF est une littérature des sciences.
C’est à la fois vrai et faux. Bon nombre de roman de science fiction n’utilisent pas les sciences comme moteur du récit. Bien souvent ce sont des réflexions sur des thématiques philosophiques qui jouent ce rôle. Mais la SF est bien littérature des sciences si l’on englobe les sciences humaines et sociales dans le champ des sciences ( ce que certains critiques de SF se refusent à faire). Dune de Franck Herbert est à la fois un roman qui développe une réflexion politico économique ( le despotisme hydraulique), anthropologique ( l’étude de la société Fremen), théologique ( c’est un roman sur la naissance d’un messie). Les aspects sciences exactes se limitent à la description de l’écosystème d’Arrakis.
En tout cas la science fiction ne saurait limiter aux sciences dures. Le critique Gabriel Chouinard écrivait au début des années 2000 que la véritable voie royale de la SF n’était pas la hard science mais bien… la science fantasy qui permettait de parler de l’humain plutôt que des mécanismes technologiques.
La SF est une littérature d’idées.La SF est une littérature d’évasion
Là encore c’est à la fois vrai et faux. Une partie de la SF est littérature d’évasion, une autre littérature ambitieuse. Mais il ne faut pas dénigrer la SF d’aventure pure. On peut dire en effet que SF populaire et SF exigeante sont les deux faces d’une même pièces. Les auteurs populaires introduisent un thème qui sera ensuite développé de manière plus ambitieuse par un auteur pratiquant une SF plus littéraire. Car la science fiction est une littérature fonctionnant sur le principe de l’intelligence collective. Les auteurs puisent dans un vaste pot commun d’idées et de concepts et les customisent à leur manière. Et régulièrement le pot commun est enrichi par de nouvelles idées qui à leur tout feront l’objet de multiple traitement. Et auteurs populaires comme ambitieux finalement puisent dans le même réceptacle.
Il s’agit à nouveau d’une vérité partielle. Si la SF ne saurait exister sans la manipulation de concept ( je préfère d’ailleurs parler de littérature de concept plus que de littérature d’idée) elle intègre au moins deux autres dimensions. Elle est littérature d’image. En effet elle véhicule des images mentales fortes. Pour l’écrivain français Pierre Stolze, c’est même sa dimension dominante. La SF est aussi littérature d’univers en cela qu’elle crée des mondes différents du notre ( c’est d’ailleurs son point commun avec la fantasy). Les meilleures oeuvres sont de loin celles qui combinent ces trois éléments. Ils seront plus ou moins actualisés selon les auteurs. Mais dans la plupart des cas on trouvera bel et bien ces trois dimensions.
La SF est une littérature métaphysique.
C’est en grande partie faux. En fait l’anthropologie est bien plus présente en SF que la métaphysique. Si l’on prend des auteurs comme Jack Vance, Ursula le Guin, des oeuvres comme Dune de Franck Herbert ou même fondation d’Asimov, c’est l’anthropologie qui est au coeur de leur propos pas la métaphysique. Qu’est ce que le steampunk sinon une approche spéculative anthropologique des mécanismes de la révolution industrielle. La SF a été majoritairement anthropologique durant les années 70 par exemple. L’anthropologie a permis la critique sociale et même des présentation de sociétés alternatives. Mais certaines oeuvres jouent la carte de la métaphysique. On peut citer dans les oeuvres récentes Spin de Robert Charles Wilson qui me paraît un bon exemple de cette approche.
La SF est une littérature du futur.
C’est en grande partie vrai. La majorité des oeuvres de science fiction ont pour objectif de montrer des futurs réels ou fantasmatiques. On m’objectera que la SF parle avant tout du présent. Argument auquel je répondrais que c’est parce qu’elle a oublié de parler du futur que la science fiction est aujourd’hui en crise. C’est parce que la majorité des auteurs qui ont traité du futur proche se sont complus dans la bulle de présent élargie au lieu de traiter des alternatives et notamment des alternatives positives que la SF est devenu une littérature pessimiste. Or les lecteurs préfèrent qu’on leur parle d’espoir que de catastrophe. La SF étant écrite dans le présent ne saurait ignorer la contemporaneité. Mais le but de la science fiction étant de spéculer et d’imaginer, le dépassement du présent, le trascendance du réel est aussi ce vers quoi doit tendre le genre.
Mais il est une partie de la science fiction qui ne sert pas du futur comme champ d’expérimentation. Il s’agit de l’uchronie dont le terrain de jeu est la création d’univers alternatifs à partir de spéculations historiques, en essayant de trouver un point de divergence et en imaginant les conséquences.
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