Dans les années 80 le jeu de rôle était très populaire en France. Ce fut bien souvent l’un des points d’entrée qui fit découvrir la fantasy et la science fiction à toute une génération d’adolescents.
Et certains d’entre eux ont créé leur univers et parmi eux il en est qui ont voulu sortir du jeu et aller vers la littérature pour faire vivre leur monde.
Curieusement à cette époque le rapprochement avec le fandom ne s’est pas fait. Ce dernier était assez réticent à accueillir ces nouveaux venus. Et les éditeurs professionnels qui l’auraient pu – je pense surtout à Fleuve Noir – n’ont pas compris le potentiel que pouvait avoir le public rôliste. Mais quelques ponts ont existé. L’auteur Roland C Wagner avait une chronique dans Casus Belli. Des œuvres littéraires (parus au Fleuve Noir) comme La Compagnie des Glaces de GJ Arnaud ou le Monde de la Terre Creuse d’Alain Paris ont été adapté en jeu de rôle. Le seul directeur de collection qui comprend l’intérêt du public rôliste à l’époque est Jacques Goimard qui chez Pocket publie des œuvres de fantasy en réponse à la demande de ce public particulier.
Et ce fut dans les années 90 quand les adolescents des années 80 sont devenus étudiants ou jeunes actifs que la rencontre a eu lieu entre les deux fandoms. Il faut dire que certaines œuvres ont rencontré le succès par un bouche à oreille plus que positif dans le milieu des amateurs de JDR: notamment les Guerriers du Silence de Pierre Bordage ( dont on s’étonne encore qu’il n’ai pas eu d’adaptation vu ce que cet œuvre doit aux rôlistes). Il y avait aussi une poignée de fanzines qui faisaient un pont entre les deux fandoms (nous citerons Rêveurs de Runes et surtout Chasseurs de Rêves.
Après cette genèse difficile l’ère du rapprochement commença avec les éditions Mnémos. Au départ elles sont une émanation d’un éditeur de jeu de rôle aujourd’hui disparu, Multisim. Elles sont à l’origine de la découverte d’auteurs majeurs dans le domaine de la fantasy: Mathieu Gaborit, Pierre Grimbert, Laurent Kloetzer, Fabrice Colin, David Calvo, Alexandre Malagoli.
A la suite d’une mésentente entre le directeur la collection, Stéphane Marsan et les dirigeants de la maison d’édition, celui ci crée sa propre structure, Bragelonne qui va reprendre bon nombre d’auteurs qui avait déjà fait leurs preuves chez Mnémos. Mais aussi va s’ouvrir aux auteurs anglo-saxons. Se diversifier, dans la SF et le fantastique, créer un label poche, Milady, puis un label jeunesse, Castelmore. Bragelonne est aujourd’hui devenu un véritable petit groupe d’édition incontournable dans le domaine de l’imaginaire. D’ailleurs depuis ils se sont diversifiés dans d’autres domaines comme la romance ou le thriller.
Mais Mnémos et Bragelonne ne sont pas les seuls structures issus du jeu de rôle. L’on peut aussi évoquer les éditions Nestiveqnen qui ont également un ADN 100% rôliste à leur création. D’ailleurs bon nombre des auteurs piliers de la première période de l’éditeur: Nicolas Cluzeau, Charlotte Bousquet, Claire Panier Alix sont rôlistes. On leur doit également la création de la revue Faéries qui de 1999 à 2007 fut une revue incontournable consacrée à la fantasy.
Ces initiatives ont fini par rapprocher le milieu de l’imaginaire et celui du jeu de rôle. Dans les grands festivals que sont les Utopiales et les Imaginales, il y a une section jeu de rôle. Certains ont coutume de dire que la moitié des auteurs de science fiction ou de fantasy issus de la génération X et de la génération y sont des rôlistes. Il y a sans doute une petite part d’exagération dans cette affirmation mais elle indique à elle seule à quel point le jeu de rôle fut important dans le développement des littératures de l’imaginaire.
Aujourd’hui est en train de se constituer une nouvelle génération d’écrivains rôlistes. Bien souvent aussi auteur de jeu de rôle, ils ont pour bon nombre d’entre eux un intérêt non dissimulé pour le pulp. Parmi ces nouveaux auteurs citons Romain Dhuissier, Julien Heylbroeck, Arnaud Cuidet ou Eric Nieudan.
Donc le jeu de rôle n’a pas finit d’influencer les littératures de l’imaginaire.