Le Cinquième Element est construit comme un film référentiel. Besson veut avant tout rendre hommage à une certaine science fiction populaire et notamment celle mise à l’honneur par la collection anticipation du Fleuve Noir. Ainsi le débarquement d’extraterrestres près des pyramides d’Egypte renvoie à la science fiction ufologique de Jimmy Guieu. Mais Besson reprend aussi les mégalopoles surpeuplées de Max André Rayjean ou le surhomme humaniste de Maurice Limat. Mais il multiplie aussi des citations à des auteurs ou des thèmes. Ainsi devant ce prêtre immortel nommé Cornélius comment ne pas penser au Jimmy Cornélius de Michael Moorcock. Le fléau cyclique et qui ne peut être combattu de manière classique se retrouve dans de nombreuses oeuvres de science fantasy française que ce soit chez Nathalie Henneberg, chez Pierre Bordage ou Roland C Wagner. Besson réutilise aussi l’iconographie des taxis volants de la bande dessinée, Les Cercles du pouvoir (un épisode de Valérian). A première vue Besson use des vieux procédés utilisés par Georges Lucas lorsqu’il a créé Star Wars dans les années 70. Le réalisateur américain avait en effet repris de nombreux éléments à la littérature de SF de l’âge d’or jusqu’aux années 60, à la bande dessinée mais aussi à l’illustration. De là on peut se demander pourquoi ce qui marche très bien chez Lucas, ne fonctionne guère chez Besson.
Si Besson reprend bien les éléments de la SF populaire française, il met en avant plus le côté superficiel des auteurs auxquels il rend hommage et laisse tomber le sense of wonder. Chaque fois que l’on tombe sur une idée qui pourrait donner naissance à un traitement science fictif, le réalisateur passe à autre chose. Ainsi quand après leur fuite éperdue pour échapper à leur poursuivant, Corben Dallas et ses compagnons se retrouvent dans les bas fonds de la ville envahi de brouillard corrosif, l’idée n’est pas développée. Besson préfère passer à autre chose. De même le fait que le méchant Zorg soit le dirigeant d’une grande multinationale ne fait l’objet d’aucun développement. Mais l’élément le plus emblématique est quand les personnages atteignent une autre planète dans un paquebot spatial, ils ne quittent pas le vaisseau. Besson a justifié son traitement en indiquant qu’il voulait transposer en science fiction les centres de vacances situés dans des pays exotiques, et d’où les touristes ne sortent pas. Mais le traitement qu’il en fait est grotesque. Pourquoi un touriste paierait un voyage vers une planète si c’est pour rester en orbite dans un paquebot saptial grand luxe ? De même la super arme que Zorg vend aux Mangalores finit par disparaître de l’intrigue.
Par contre Besson sait ce qui marche au box office. Il rajoute des scènes de comédie qui sont parfois à la limite de l’insupportable. Ainsi l’arrivée du drag queen animateur d’une émission télévisée est tout bonnement ridicule. Il fait du méchant Zorg un individu grotesque en lui donnant des scène de comédies indigentes. Non seulement Besson sait que la comédie fonctionne bien auprès du public mais il sait aussi que les films d’action ont également du succès. On a donc droit à une longue scène de gunfight.
Le but de Besson n’est pas de faire une oeuvre de science fiction mais un film de cinéma. A vouloir être grand public, il finit par vouloir plaire aussi bien à ceux qui aiment le genre qu’à ceux qui n’en sont pas des amateurs réguliers. Ce n’est pas forcément un mal. Mais d’autres réalisateurs ont réussi ce tour de force sans toutefois sacrifier autant. James Cameron avec Avatar a réussi un film tout public qui soit une oeuvre de science fiction avant d’être un film de cinéma. La science fiction est transgenre. On peut faire un film de science fiction sans faire référence au langage cinématographique et en utilisant des références littéraires ou graphiques. Lucas en 1977, a même inventé un nouveau langage cinématographique pour représenter le space opera. Le péché de Besson c’est d’avoir voulu faire référence à des langages extérieurs à la science fiction et surtout de les introduire de manière maladroite dans un contexte science fictif. Besson connaît la science fiction mais ne veut pas faire oeuvre de science fiction, il ne fait qu’utiliser des citations science fictives pour illustrer un film de cinéma. Et son utilisation du montage n’arrange rien à l’affaire. La succession syncopée des images transforme partiellement le film en vidéo clip géant.
Et que dire de la fin totalement ratée du film. La cérémonie dans le temple, l’amour qui triomphe du mal. Il est vrai qu’avec de tels ingrédients un auteur comme Pierre Bordage s’en est très bien sorti. Mais au lieu de cela nous avons une scène auquel nous croyons à peine. Je pense que ce qui pourrait arriver le mieux au film, ce serait qu’à l’instar de Stargate, l’on ait un développement en série qui à partir des éléments superficiels présentés dans le film construirait un univers cohérent.
Hummm…. je ne sais pas… J’ai bien aimé le film, sauf la fin trop kitch pour mon gout, mais en général je ne dirais pas que c’est un mauvais film de science fiction. Il y en a d’autres hollywoodiens qui méritent le titre. En tout cas comme article, bravo! Une analyse très complète (Même que je ne sois pas tout à fait d’accord)