Les années 70 vont être une explosion de créativité. Non seulement il y a des auteurs mais également un public pour les lire. Les éditeurs multiplient les collections. C’est également le début des collections de poche : Jacques Sadoul crée la collection science fiction de J’ai Lu où il publie les grands classiques de la SF anglosaxonnes dont bon nombre n’avaient pas eu de traduction jusque là. De même, un peu plus tard Jacques Goimard dirigera la collection SF de chez Pocket.
En 1971 apparaît une nouvelle collection incontournable dans le paysage éditorial de la science fiction : la collection Ailleurs et Demain de l’éditeur Robert Laffont. Dirigé par Gérard Klein elle va publier nombre de romans importants aussi bien chez les anglosaxons ( ce sera la collection qui traduira Dune de Franck Herbert) mais également chez les Français. C’est Gérard Klein qui révélera Michel Jeury dont il publiera un des romans les plus importants, le Temps Incertain, roman sur la réalité truquée aux accents dickiens. Jeury donnera d’autres textes à Ailleurs et Demain tout en publiant des romans populaires chez Fleuve Noir Anticipation ou chez Pocket. Jeury est un auteur complexe dont l’oeuvre n’est pas si facile à appréhender.
Mais d’autres auteurs vont émerger à cette époque comme Daniel Walther aussi à l’aise avec la science fiction qu’avec le fantastique ou la fantasy ( qui sera aussi directeur éditorial des éditions Opta), Christian Léourier qui alternera roman de SF ambitieux pour un public adulte et romans jeunesses, Michel Grimaud – pseudonyme d’un duo à la plume baroque et poétique.
Les choses vont également bouger dans le domaine de la science fiction populaire avec l’arrivée de Julia Verlanger, alors reconnue comme nouvelliste, elle va signer chez Fleuve Noir une dizaine de romans sous le pseudonyme de Gilles Thomas. Ses romans seront très remarqués par les amateurs.
Bref, tout semble bien aller pour la science fiction français. On peut se dire qu’elle a trouvé sa vitesse de croisière. Mais malheureusement un grain de sable va venir bloquer cette belle mécanique. L’arrivée de ce que l’on a appelé La nouvelle science fiction politique française prolongement de l’esprit de mai 68 qui va bien vite se tourner vers les idées trotskistes et maoistes. Ces oeuvres sont pour la plupart publiée chez Kesselring ou Champ Libre des éditeurs qui ont peu de visibilité. Mais le problème c’est que ces oeuvres qui se vendent assez mal, restent souvent sur les étals des libraires, dont certaines sont assez mal écrites ont un impact assez négatif sur les ventes des libraires. Le problèmes c’est que cette science fiction politique se diffuse aussi dans les colonnes de Fiction et est rejetée par une majorité de lecteurs du genre qui se détourneront de la production française et se tourneront vers les productions anglosaxonnes. Le vers est dans le fruit. La mise en avant de cette littérature politique par un petit nombre même si elle n’a pas d’impact public donne un mauvaise image de la science fiction. Et cela conjugué au trop grand enthousiasme des éditeurs qui sont allé trop vite dans le développement de leurs collections va avoir un effet dans la période qui suit : on va assister à un lent déclin du genre.
Alain Dorémieux, anthologiste, critique et fan va reprendre la direction littéraire de la revue Fiction en 1980 en s’ouvrant massivement à des auteurs et des essayistes venus du fandom. Malgré le scepticisme d’une partie du milieu éditorial spécialisé l’ensemble est de haute tenue. La revue va révéler de nouveaux auteurs comme Jacques Mondoloni, Bruno Lecigne et surtout Richard Canal. Le départ de Dorémieux en 1984 laissera comme un grand vide et la revue se mettra à ronronner jusqu’à sa fin en 1990.
Les années 80 ce sera aussi l’apparition du groupe Limite. Dirigé par Emmanuel Jouanne ce groupe d’auteurs a la volonté de publier une science fiction extrêmement littéraire, focalisée sur le style qui laissera sceptique plus d’un lecteur. C’est chez Denoël que ce seront publiés ces auteurs. Malgré tout la collection Présence du Futur publiera de bons auteurs comme Jacques Barbéri, Jean Claude Dunyach et surtout Serge Brussolo.
Car les années 1980 ce seront les années Brussolo. C’est un auteur prolifique, populaire, fantasmatique qui donne dans une science fiction surréaliste très influencée par le cinéma bis. Brussolo ce sera le passage obligé pour toute une génération de lecteurs qui dévoreront des romans aux titres évocateurs comme Carnaval de Fer, Portrait du diable en chapeau melon ou encore Opération serrures carnivores. Après avoir été révélé par Denöel, Brussolo va publier aussi au Fleuve Noir et ensuite chez d’autres éditeurs. A noter qu’il abandonnera la SF au milieu des années 90 pour le thriller. Brussolo sera sans doute l’auteur qui redonnera goût à la science fiction à toute une génération de lecteurs qui donnera envie d’écrire à de nombreux jeunes auteurs.
Car la situation des auteurs français n’est pas bonne. Les débouchés se raréfient. On parle de génération sacrifiée. Pour la nouvelle, le principal support ce sont les fanzines, qui il est vrai grâce aux progrès de l’infographie ont souvent un rendu presque professionnel. A la fin de la période il n’y aura plus que quelques collections dont la majorité sont des collections de poche. Ailleurs et Demain reste la seule collection grand format à survivre à la période mais elle ne publie plus de Français.
Les quelques auteurs français qui vont être révélé à l’époque sont bons. Mais il faut bien reconnaître que Fleuve Noir est l’éditeur qui fait le plus d’efforts. Editeur qui publie de la SF populaire mais qui change de direction littéraire en 1988. La nouvelle directrice littéraire s’ouvre à de nouveaux auteurs et parmi eux des gens qui seront des acteurs majeurs de la période suivante : Roland C Wagner, Laurent Genefort, Ayerdahl. Serge Lehman y apparaîtra sous deux pseudonymes. Finalement la toute fin de cette époque sera la première marche vers la suivante puisqu’en 1990 les éditions de l’Atalante voit le jour alors que Opta disparaît. La fin d’une époque, le début d’une autre.